Aujourd’hui, par hasard, je me suis retrouvé happé par un certain web militant, qui a ses codes et vit principalement en dehors des réseaux sociaux. Je dis happé car c’est intéressant, ils ont leurs façons de faire et montrent qu’au delà de la norme, on peut inventer des modes de fonctionnement différent. Ce web militant ne représente pas tout le militantisme, à l’image du très récent La Ronce, qui elle, n’agit que sur les réseaux sociaux : Twitter, Instagram, Facebook.
Je pense que les deux approches se valent. Sur les réseaux sociaux, on peut toucher un nouveau public, plus large au prix de la censure. Le web militant que l’on va voir est plus difficile à découvrir mais bien mieux armé contre la censure et l’arbitraire des réseaux sociaux. D’ailleurs ce dernier est souvent présent sur les réseaux sociaux traditionnels mais cultive une certaine indépendance par rapport à ces derniers.
La première chose qui m’a frappé, c’est que la plupart de ces sites tournent sous spip un CMS bien de chez nous, bien à l’ancienne. Aujourd’hui, il est très rare en dehors de ces cercles mais finalement, ça juste marche !
Image tirée du zine Parasite ! sur infokiosques.net
Un des enjeux quand vous publiez du contenu, c’est d’atteindre votre lectorat : sans les réseaux sociaux pas facile, surtout si votre lectorat n’y est pas pour raisons politiques. Mais notre web militant est rusé. Tout d’abord, il propose souvent une newsletter, à l’image de lundimatin. Ensuite, il propose des flux RSS et fait un usage astucieux de cet outil souvent réservé aux utilisateurs avancés : il est utilisé pour alimenter des portails (ou planets). On notera entre autre mediaslibres.org, rezo.net et le réseau mutu. Ce dernier est d’ailleurs plus qu’un portail puisqu’il structure aussi les sites web d’informations militantes à travers la France. Enfin, peut-être l’approche la plus originale, c’est l’approche duale du site infokiosques.net qui publie des brochures à la fois sur son site web et dans des lieux physiques.
Logo de Riseup, un hébergeur pour les militants
Une dernière question me taraudait, comment et où sont hébergés ces sites webs ? Comment ont-ils inclus les risques de censure dans leurs conception ? Il apparait qu’un grand nombre de ces derniers sont hébergés chez Riseup, localisé à Seattle aux États-Unis et qui est connu pour supporter les actions militantes. Riseup ne fournit pas le nom de domaine, qui m’a l’air souvent enregistré auprès de prestataires extérieurs à la France. Point intéressant d’ailleurs, ces sites n’ont pas de nom de domaine en .fr
: l’AFNIC étant une association tombant sous le coup de la loi Française, ça peut s’expliquer.
Sur le point technique, les efforts me semblent majoritairement orientés vers la limitation des risques de censure par le pays, la France ici. La stratégie principale utilisée est de tirer parti du “silotage” de la loi : la loi Française ne s’applique qu’en France. Cependant, c’est sans compter sur la coopération possible des États ou encore la censure via les fournisseurs d’accès internet français, voire la surveillance des auteur·ices. En somme, ces sites n’étant pas illégaux, leur objectif semble plus tendre vers le maintient d’un équilibre entre une indépendance vis à vis de l’État Français et une facilité d’accès aux ressources.
En définitive, c’est très intéressant de voir comment cette “communauté” s’est structurée, s’est organisée, de manière très différente du web plus traditionnel : c’est un exemple concret, avec des gens non spécialistes, qui peut nous servir pour imaginer d’autres utilisations d’internet.